Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Passionnée, fascinante, Yahel Chirinian est sculpteure et designer.

À mi-chemin entre objets de culte et objets décoratifs, ses oeuvres interrogent notre époque. De Bombay à New York, en passant par Tokyo, Paris ou Rome, elle est devenue l’artiste référence de l’avant-garde en Inde, où elle a posé ses valises il y a 13 ans. Elle a fondé Monsoon Heritage son studio de création et de production dans la jungle de Goa. C’est là qu’elle vit et crée, sous les manguiers, en compagnie de ses assistantes, avec vue sur les singes qui s’amusent sur le toit, les chiens qui se reposent, et les vaches sacrées qui passent. Rencontre avec une artiste qui n’a jamais aimé les portes fermées, celles des classes, celles des Beaux Arts et celles des microcosmes, et qui, au contraire les a toujours ouvertes. Aujourd’hui, pour Jeanne, elle ouvre celles de son studio indien et nous fait partager ses trésors.

 

Pour moi la société est dangereuse, elle vous demande d’être conforme. Je ne le serai jamais, je suis un électron libre.

Vous êtes l’une des plus célèbre designer au monde ; et pourtant, vous ne faites partie d’aucune scène, vous êtes indépendante et vous avez choisi de vous retirer dans la jungle. Que pensez-vous du monde qui vous entoure, et de la société en général ? Pour moi la société est dangereuse, elle vous demande d’être conforme. Je ne le serai jamais, je suis un électron libre. Je ne suis pas solitaire, je suis exclusive, cela à plus à voir avec l’intimité. C’est en faisant les choses que je suis vraie, bien plus qu’en en parlant lors de cocktails ou dans des salons. Je pense que se sentir concernée par le monde dans lequel nous vivons est une attitude de vie. L’Inde, son tumulte, m’offre ce centre du cyclone, cet espace intérieur où l’essentiel est nu, et où l’on est face à soi-même. Après tout, que risque-t-on ? Sinon de se rencontrer vraiment. Je vis dans la jungle par choix, j’ai 8 chiens, j’ai besoin d’espace pour eux et de liberté pour créer.

 

Exclue du groupe, elle sera exclue de la société. La femme indienne n’a pas le choix.

Parlez-nous de ces femmes qui vous assistent dans votre travail et de ce que vous faites pour les aider. L’indifférence est une lâcheté qui tue. Des filles du villages sont venues à ma porte une nuit pour un accident qui venait d’arriver à l’une de leurs amies. Elle avait été battue et abusée par un oncle, elle s’était réfugiée chez ses amies. Nous l’avons amenée à l’hôpital. À sa sortie plusieurs jours après, elle était terrorisée et ne voulait pas rentrer dans sa famille. Exclue du groupe, elle sera exclue de la société. La femme indienne n’a pas le choix. Elle était majeure, je lui ai proposé de m’aider à l’atelier, je lui ai enseigné les différentes tâches au studio. Elle s’est avérée être douée pour l’organisation, ce qui m’aide considérablement. Son salaire lui a permis d’être autonome. Cela fait 15 ans que Shilpa m’assiste. Elle parle anglais, est fiancée avec Swapnil qui nous livre le matériel. Shilpa a formé une partie de l’équipe qui travaille avec nous, d’autres filles qui sont dans la même situation d’urgence. Leur histoire à chacune est douloureuse et inacceptable. Travailler au studio et participer à la réalisation d’une œuvre leurs donnent à toutes un grand sentiment de fierté. Elles ont retrouvé une place.  (…)

Chacune est arrivée au studio avec sa propre histoire, sans aucune instruction, ne sachant ni lire, ni écrire, et aujourd’hui toutes parlent l’anglais. La véritable éducation consiste à tirer le meilleur de soi-même. J’ai juste été là. (…)

 

Photo – Monsoon Heritage Studio by Yahel Chirinian
Retrouvez l’interview complète de Yahel Chirinian dans le numéro de mars de Jeanne

moi - je suis allée en inde et tout est vrai, pourtant il y a longtemps et cela n'a pas beaucoup évolué. J'ai vu des actes horribles et pourtant c'est un pays attachant. J'ai mis huit jours pour m'habituer et regarder ce pays avec d'autres yeux.

La femme indienne
Tag(s) : #j'aime et je n'aime pas
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :